Les chyprés fruités

mercredi 10 août 2016
par  Lavinia

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Bergamote


Les chyprés ont une forme concise que l’on peut décomposée en trois moments. L’accord de départ doit être vif et contenir de la bergamote, à la fois pétillante, zestée et douce, ou du moins, un hespéridé ; le cœur floral contient de la rose, du jasmin, souvent les deux, combinés avec d’autres fleurs ; en note de fond, la mousse de chêne donne son caractère bien trempé au parfum et s’accompagne toujours de labdanum. S’y ajoutent souvent des notes boisées, généralement du patchouli et/ou balsamiques, telles l’ambre, la première note abstraite, composée de labdanum et de vanille et/ou de musc. Très tôt, pourtant, les parfumeurs modernes ajoutèrent des fruits en notes de cœur ou de tête, pour plus de douceur ou d’originalité.


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Jasmin


A vrai dire, si l’accord chypré doit son nom au parfum de Coty, lancé en 1917, les premiers chyprés, comme Eau de Chypre, vendu par Guerlain dans les années 1850, puis vers 1890 par d’autres maisons comme Roger-Gallet et Lubin, mélangeaient déjà de la mousse de chêne avec des agrumes. Le procédé datait du Moyen-Âge au cours duquel les parfumeurs français avaient progressivement appris la recette des parfumeurs de Chypre, qui préparaient une eau ou une poudre, plus particulièrement destinée aux les hommes, en raison de son caractère très sec.


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Mousse de chêne


C’est pourquoi la surdose de jasmin, ajoutée par François Coty, créa réellement l’accord chypré moderne. Dans l’urgence, il fallait, en effet, donner plus de légèreté à une formule trop forte et terreuse pour être portée à même la peau, comme le permettaient soudain les vêtements du début du siècle dernier, contrairement à ceux du 19 ème siècle. Puis Mitsouko, le chypré le plus admiré, fut inventé par Jacques Guerlain en 1919, en utilisant une grande quantité de l’aldéhyde C 14 à l’odeur de pêche.


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Diagramme de Fragrantica


Au vu de l’histoire, je crois donc qu’il est donc vain de parler de chyprés tordus à propos de ceux qui utilisent des fruits, autres que les agrumes, en note de tête ou en notes de cœur. Et ce d’autant plus les lactones, surdosés dans grands nombres de parfums actuels, ainsi que présents dans les yaourts aromatisés et les desserts lactés, se retrouvent aussi dans des chyprés classiques, tels que Mitsouko ou Femme. En ajoutant des notes fruités et crémeuses, les lactones réchauffent les bois et donnent au parfum une senteur veloutée.


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Structure de l’epsilon-caprolactone, hétérocycle à 6 carbones


Afin de comprendre ce qu’est un chypré, il faut savoir que dans le domaine de l’art une forme fixe n’est jamais immuable. Il existe, par exemple, différents modèles de sonates qui ne sont pas dénaturés pour autant. Or les chyprés soutiennent très bien la comparaison avec cette forme de musique, très codifiée, qui a pourtant connu beaucoup de permutations. Après 1731, on retrouve généralement le plan : allegro, adagio, menuet, rondo, ou bien : allegro, andante, rondo. Puis Beethoven remplace le menuet par un scherzo.


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Forme de la sonate


Or nous l’avons vu, les chyprés comprennent au départ une odeur vive et hespéridée, semblable à un allegro, puis une senteur douce plus sucrée, qu’on pourrait assimiler à un adagio. Cependant, la comparaison s’arrête là : l’amertume de la mousse de chêne peut être plus ou moins atténuée par des notes balsamiques et/ou chaudes, mais elle n’a pas le caractère habituellement gai du rondo final censé faire une réexposition les thèmes initiaux.


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Ciste-labdanum


En outre, contrairement à la sonate, le cœur fleuri et fruité du parfum n’est pas encadré par des mouvements rapides ou par des notes dont l’évaporation peut être qualifiée comme telle. La bergamote met environ six heures à disparaître, sans parler de la persistance beaucoup plus longue de la mousse de chêne, souvent du patchouli, ainsi que de la durée de la note ambré, souvent ajoutée aux chyprés et composée, principalement composée de labdanum et de vanille. C’est pourquoi la senteur de la rose tient si bien.


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Rose de Grasse


Plus généralement, toute analogie entre la musique et le parfum a ses limites. Notre nez capte des moments, non jamais un continuum. Il est vrai que l’oreille non plus ne saisit pas toutes les notes, mais un ensemble dont le détail lui est plus ou moins perceptible selon son degré de culture musicale et ses possibilité d’analyse. Seulement l’odorat, quant à lui, fonctionne uniquement par intermittence et avec l’aide du souvenir. Dès l’ouverture d’un flacon de chypré, toutes les notes sont présentes à la fois. La perception de l’harmonie entre les accords s’avère donc absolument primordiale. C’est pourquoi les chyprés se montrent d’un abord difficile à cause des écarts entre les gammes et la profondeur du champ olfactif.


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Caravage (présumé), Narcisse 17ème siècle



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